La semaine dernière, J’ai regardé le film d’Arthus Bertrand « Legacy ». On est saisi par la beauté de la terre et du miracle de la  vie qui s’est développée si lentement. Malheureusement on est aussi saisi par l’annonce d’une catastrophe imminente. La lente  rupture de l’homme avec le reste du vivant nous a fait perdre conscience de notre interdépendance.  Ceux qui ont un lien avec la Terre, les agriculteurs et les vignerons sont les premiers acteurs d’une volonté de retour vers la terre mère, vers la terre nourricière.

La biodynamie, c’est quoi ?

C’est un modèle d’agriculture ou viticulture qui considère le domaine comme un organisme agricole autonome. Pour être certifié « biodynamie », le domaine doit d’abord être certifié en « bio » mais le vigneron va plus loin dans les restrictions, notamment pour les sulfites (70mg/l contre 150 mg/l en bio).  Surtout, la biodynamie propose une vision plus complète basée sur l’harmonie entre la plante, le sol qui l’abrite et les énergies qui nous entourent. La biodynamie vise à sortir le terroir de son mode passif afin que chaque action humaine soit un accompagnement de cette vie existante et non pas une intervention.

Comment est-elle apparue?

Rudolf Steiner est considérée comme le « pape » de la biodynamie.  Il ne buvait pas de vin le brave homme mais à partir de 1924, ses idées ont commencé à être diffusées, sous forme de cours, aux agriculteurs.  Il est le père de l’anthroposophie, mouvement teinté de religiosité qui prétend mettre l’homme en communication avec son environnement.

« Steiner attribue à l’humain une capacité de médiation avec des entités autres que lui-même, qu’elles soient végétales ou animales » .

Certains reprochent à la biodynamie un côté ésotérique à cause de l’importance des astres, de l’énergie combinée de la lune et de la position des planètes mais la biodynamie n’est ni une secte, ni une religion, c’est une méthode de travail agronomique qui change la manière d’observer le vivant

Comment s’est-elle diffusée ?

Dans la viticulture, vers les années 80, c’est un vigneron du Val de Loire basé à Savennières, Nicolas Joly, qui devient le porte-étendard médiatique.  Nicolas à écrit plusieurs livres qui explique d’une manière scientifique comment fonctionne la biodynamie et ses effets visibles sur la vigne.  Il produit aussi un chenin blanc, La coulée de Serrant, reconnu mondialement.  Lire l’excellent livre : Le vin du ciel à la terre

Quel est le poids de la biodynamie en France ?

Seulement 1,4% des domaines en France sont certifiés en biodynamie (10 fois plus pour le bio) soit 609 domaines  mais ce chiffre progresse et beaucoup de nos vignerons sont en reconversion.  Il faut 3 ans pour obtenir l’un des 2 labels « biodynamie » : Demeter ou Biodyvin.  Lorsque le vigneron est certifié, il le fait en général savoir sur son étiquette mais, attention, pas toujours.  Le plus célèbre des domaines de Bourgogne, la DRC (Domaine de la Romanée-Conti) est en biodynamie depuis des années sans le clamer sur les étiquettes de leurs nectars.  Pour ce domaine, cultiver et soigner leurs vignes de cette manière va de soi.  Cela va au-delà de règles à respecter, c’est une philosophie de vie.  Il y a aussi ceux, comme Anselme Selosse (qui a porté la biodynamie en Champagne) qui se sont retirés délibérément de la certification.  Quand on n’a plus rien à prouver, que la biodynamie devient juste une  manière de vivre au quotidien, pourquoi la réduire à un label sur une bouteille ?

Changer notre relation au vivant

C’est cela la biodynamie, une relation au vivant !  Être attentif et en harmonie avec ce qui nous entoure, pas simplement la biodiversité mais aussi les énergies qui nous entourent.  Lorsque la plante (et cela pourrait s’appliquer aux Hommes également) est en
harmonie avec son sol et qu’on la laisse capter les énergies cosmiques, elle est « heureuse ».  Mais pour qu’elle puisse s’épanouir ainsi, il faut supprimer les « barrages », c’est à dire les pesticides, les herbicides, les fongicides … tout ce qui rythme avec homicide. Ce type d’agriculture/viticulture est dite « conventionnelle » .  Cela veut dire littéralement un modèle sur lequel on est tous tombé d’accord, un modèle qui a emporté l’adhésion collective .  Ce modèle a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale (on était en pénurie de main d’œuvre)  et, aujourd’hui encore, l’enseignement, que ce soit pour les ingénieurs agronomes ou pour les œnologues, se base surtout sur la culture conventionnelle.

Mais ce type de viticulture a fini par tuer toute vie dans les sols, rendant le vigneron encore plus dépendant de l’agro-industrie.  La vigne ne pouvant ni se défendre ni se nourrir toute seule, il fallait la mettre sous perfusion.  Tout cela coûte cher, non seulement en monnaie sonnante et trébuchante mais, le plus grave, en vie humaine et en dignité.

Redonner vie aux sols

Dans un sol aéré et riche en vie microbienne, la plante peut s’ancrer solidement et laisser ses racines descendre plus profondément. Grâce à ses petites radicelles, elle capte mieux les minéraux et aussi l’eau stockée en profondeur.  En cas de gros coup de chaleur, elle résiste mieux au stress hydrique, astucieux en ces temps de réchauffement climatique.

La biodynamie est chronophage.  Le coût de revient n’est pas forcément plus cher car, si elle nécessite plus de main d’œuvre, en revanche le vigneron ne dépense quasiment rien en produits. Un peu de cuivre, du soufre et des tisanes de plante et c’est tout.

En plus des labours ou des tracteurs plus légers qui évitent de tasser les sols, Les biodynamistes utilisent 3 sortes de préparations : Maria Thun pour le compost, la 500 dite« bouse de corne » pour le développement racinaire et la 501 dite « silice de corne «  pour améliorer la photosynthèse. Ces préparations sont dynamisé et appliquées dans les sols à de moments de l’année et de la journée très précis. Pour en savoir plus…

La biodynamie apporte de la sérénité à la vigne, elle permet de réparer la vigne en profondeur.  La vigne a besoin de méthodes douces, elle a besoin d’amour. Elle fait partie d’une famille.

Il suffit de diluer 2 à 4 grammes de préparation 500 ou 501 dans 40 ou 50 L d’eau à l’hectare !

La qualité des sols dans les parcelles en biodynamie (mesurée en fonction de l’abondance et de la diversité microbienne) est de 15 à 20% supérieure à celle des parcelles bio qui elles-mêmes sont 15 à 20% supérieure par rapport aux parcelles conventionnelles.

Et les effets sur le vin ????

Faîtes l’expérience de goûter 2 vins de la même appellation, du même millésime, vous allez trouver le vin en biodynamie plus « gourmand ».  Vous aurez la sensation en bouche d’un raisin plus mûr.  L’autre effet marquant est une plus grande minéralité, les vins sont plus « tendus » .  Quand on retrouve dans le vin maturité et fraîcheur, il n’ y  aucune lourdeur, le vin est très agréable à boire.
Les vins sont plus précis, avec de l’énergie et, en plus, ont le goût du lieu.  Ils se mettent au service du terroir pour nous le restituer.  Il va de soit qu’avec des raisins d’une telle qualité, les vinifications sont minimalistes, ce qui ajoute à la pureté du vin.

 

Biodynamie